
Cantonnement en démembrement : le gouvernement confirme sa position (Réponse ministérielle du 26 août 2025)
Le droit patrimonial et successoral est en constante évolution. Entre la jurisprudence, les réformes législatives et les interprétations doctrinales, les règles applicables à la transmission du patrimoine ne cessent de s’adapter. La récente réponse ministérielle du 26 août 2025 illustre parfaitement cette dynamique : le gouvernement confirme désormais la possibilité de cantonner en démembrement les droits successoraux d’un légataire ou d’un conjoint survivant.
Cette prise de position apporte un éclairage nouveau et attendu dans le monde du droit des successions. Elle confirme que le cantonnement ne se limite pas uniquement à une partie des biens transmis, mais peut également concerner la nature même du droit reçu, ouvrant ainsi la voie à davantage de souplesse dans la gestion patrimoniale. Cet article propose une analyse complète de cette évolution, de son contexte juridique et doctrinal, ainsi que des conséquences pratiques qu’elle implique pour les héritiers et pour les stratégies de transmission du patrimoine.
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Sommaire
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Qu’est-ce que le cantonnement en démembrement ?
- Le débat doctrinal : entre rigidité et souplesse
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Une stratégie patrimoniale sur mesure
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L’importance d’une clause dans le testament ou la donation entre époux
- Opportunités patrimoniales et fiscales
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Une avancée majeure pour la gestion des successions
Qu’est-ce que le cantonnement en démembrement ?
Le cantonnement est un mécanisme prévu par le Code civil qui permet à un légataire ou au conjoint survivant, gratifié par une donation entre époux ou un testament, de limiter l’étendue des droits qui lui sont attribués.
Un choix partiel des biens et des droits
Traditionnellement, le cantonnement s’entendait comme une possibilité de réduire l’assiette des biens reçus. La réponse ministérielle de 2025 élargit ce champ en admettant que le gratifié peut également choisir de limiter la nature de ses droits : ainsi, un legs en pleine propriété peut être cantonné en usufruit ou en nue-propriété.
Le cadre légal
Le Code civil prévoit expressément cette faculté dans deux dispositions :
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Article 1002-1 pour le légataire,
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Article 1094-1 pour le conjoint survivant.
Ces textes posent le socle juridique d’une pratique désormais clarifiée et validée par le gouvernement.
Le débat doctrinal : entre rigidité et souplesse
Une vision restrictive
Certains juristes considéraient que la faculté de cantonner devait être interprétée strictement. Selon eux, la mention d’« une partie des biens » dans le Code civil signifiait uniquement une réduction quantitative et non une transformation qualitative du droit. Ainsi, accepter l’usufruit à la place de la pleine propriété revenait, selon cette interprétation, à dénaturer la volonté du testateur.
Une interprétation plus ouverte
D’autres auteurs défendaient une approche plus souple, en s’appuyant sur le principe « qui peut le plus peut le moins ». Si le disposant offre la pleine propriété, rien n’empêche le gratifié de n’en retenir qu’une partie, comme l’usufruit ou la nue-propriété, à condition de ne pas trahir la volonté expresse du testateur.
Confirmation par le gouvernement
La circulaire ministérielle du 29 mai 2007 avait déjà ouvert cette possibilité, mais son poids juridique restait limité. La réponse ministérielle du 26 août 2025 conforte désormais cette position et donne un signal fort en faveur de la souplesse.
Une stratégie patrimoniale sur mesure
Exemple pratique
Imaginons un défunt propriétaire d’une résidence principale et de plusieurs biens locatifs grevés de charges. Sans cantonnement, le conjoint survivant aurait dû accepter l’intégralité des droits, avec toutes les contraintes que cela suppose. Grâce au cantonnement en démembrement, il peut limiter ses droits à l’usufruit de la résidence principale, laissant les biens locatifs directement aux enfants en pleine propriété. Cette flexibilité permet d’éviter les tensions et d’alléger la gestion successorale.
Intérêt en cas de familles recomposées
Le cantonnement est particulièrement utile dans les familles recomposées. En présence d’enfants issus d’une première union, le conjoint survivant peut choisir de limiter ses droits pour préserver l’équilibre entre tous les héritiers. Cela évite qu’un enfant d’une première union soit totalement évincé au décès du second parent.
L’importance d’une clause dans le testament ou la donation entre époux
Sécuriser juridiquement la faculté
Même si le gouvernement a reconnu la validité du cantonnement en démembrement, il est vivement recommandé d’intégrer une clause explicite dans l’acte de donation entre époux ou dans le testament. Cette clause permet de préciser si le gratifié peut cantonner ses droits et dans quelles conditions.
Le rôle du disposant
Le disposant conserve la faculté de limiter ou d’interdire cette possibilité s’il souhaite que ses volontés soient strictement respectées. En cas de silence de l’acte, le risque est que des interprétations divergentes apparaissent et donnent lieu à des litiges familiaux.
Une incertitude persistante
Il convient de souligner que la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur cette question. Même si la réponse ministérielle constitue un pas important, la sécurité juridique n’est pas totale. D’où l’importance de la prudence dans la rédaction des clauses successorales.
Opportunités patrimoniales et fiscales
Optimisation de la transmission
Le cantonnement en démembrement est un levier d’optimisation patrimoniale. En permettant de moduler la nature et l’étendue des droits successoraux, il peut contribuer à réduire la base taxable des successions et ainsi limiter la fiscalité applicable.
Combinaison avec d’autres outils
Ce mécanisme peut être combiné avec d’autres instruments de planification successorale :
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Les donations-partages,
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Le démembrement de propriété classique (usufruit/nue-propriété),
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Les contrats d’assurance-vie, qui conservent une grande souplesse de transmission.
Cette complémentarité permet de bâtir des stratégies sur mesure, adaptées à la situation familiale et aux objectifs patrimoniaux.
Une avancée majeure pour la gestion des successions
La confirmation gouvernementale de la possibilité de cantonner en démembrement constitue une avancée majeure dans le droit des successions. Elle apporte de la souplesse, permet une meilleure adaptation aux besoins des héritiers et ouvre la voie à de nouvelles stratégies patrimoniales.
Toutefois, l’absence de validation par la Cour de cassation impose une certaine prudence. Pour sécuriser l’efficacité de ce mécanisme, il est indispensable de prévoir des clauses adaptées dans les testaments et donations entre époux.
Bien utilisée, cette faculté représente un outil puissant de transmission patrimoniale et d’optimisation fiscale. Chez Plusfinances, nous accompagnons nos clients dans la mise en place de stratégies personnalisées et sécurisées, afin d’assurer une transmission harmonieuse et efficace de leur patrimoine.